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Emmanuelle Llop : « Le Covid et les juges, ce n’est pas tout à fait terminé ! »

Dans cette tribune, l’avocate Emmanuelle Llop revient sur une décision de la Cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion à propos d’une agence de voyages (aujourd’hui liquidée) ayant vendu en 2020 auprès d’un établissement scolaire réunionnais un voyage de découverte d’une classe en métropole.

Le contexte est bien connu : un établissement scolaire réunionnais client de l’agence annule, la veille du départ, le voyage de découverte d’une classe en métropole (Paris et Val-Cenis) dont le départ était prévu le 4 mars 2020, au motif de la crainte de l’expansion du virus du Covid-19 et à la suite d’une instruction du rectorat. L’agence a refusé le remboursement sans frais en l’absence de circonstances exceptionnelles et inévitables (CEI) prouvées, précisant que la crainte du Covid ou les convenances personnelles ne sont pas des CEI et que le contenu du contrat n’était pas impacté à la date prévue pour le voyage. Le tribunal judiciaire a donné raison à l’agence et, sur appel du lycée, la Cour d’appel a confirmé ce jugement.

L’arrêt d’appel est ce que l’on nomme un arrêt d’espèce car il s’appuie sur les faits de l’espèce à la lumière des textes applicables (par opposition à un arrêt de principe).

Pour justifier sa demande de remboursement des frais – que l’agence avait quant à elle supporté à 100% – le lycée se référait à une note du rectorat datée du 2 mars 2020 qui déconseillait les voyages à l’étranger ou en métropole dans les clusters, ainsi qu’à diverses communications de l’OMS sur le caractère d’urgence de santé publique à portée internationale de ce qui était qualifié à l’époque d’épidémie.

Suivant les arguments présentés par l’agence, la Cour rappelle les définitions de la directive sur les voyages à forfait et le Code du tourisme en cas d’annulation par le voyageur au motif de circonstances exceptionnelles et inévitables (CEI), et rappelle que l’Ordonnance 315 ayant été annulée par le Conseil d’État, il convient de se reporter au seul Code du Tourisme. Elle insiste ensuite sur le cumul des deux conditions qui doivent être réunies à la date de l’annulation :

  • Est-ce que des CEI existent à destination ou à proximité immédiate ?
  • Est-ce que ces CEI ont des conséquences importantes sur l’exécution du contrat ou sur le transport vers la destination ?

La Cour examine alors les éléments produits par le lycée et l’agence et en conclut qu’il n’existait aucun cluster donc aucune CEI à destination (Paris et Haute-Savoie) à la date de l’annulation et que tous les services prévus au contrat étaient possibles.

Le raisonnement juridique est alors implacable : faute de preuve de CEI à destination existant à la date de l’annulation et impactant le séjour, le voyage était donc possible. Le lycée doit supporter les frais indiqués au contrat, c’est à dire dans ce cas où l’agence avait choisi les frais réels, 100 % du prix, que la Cour estime implicitement appropriés et raisonnables conformément au Code du Tourisme.

Certes, les litiges liés au Covid vont en diminuant, mais cette décision présente un intérêt plus général car elle rappelle comment doivent être comprises les CEI au sens du Code du Tourisme et comme le défendait l’agence, en accord avec la position des EDV ou de la MTV dont nous avions d’ailleurs communiqué le Rapport 2020. Ces principes ont été interprétés depuis lors par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 8 juin 2023, qui retient notamment que les CEI doivent être examinées à la date de la résiliation du contrat et que la publication d’un avis officiel déconseillant une zone à risque ne suffit pas à les caractériser.

Emmanuelle Llop, fondatrice d’Equinoxe Avocats

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