Tourisme : quel est le bilan carbone de la France ?
Transport, hébergement, restauration… l’Ademe vient de publier le bilan des émissions de gaz à effet de serre du tourisme en France. C’est la deuxième édition, ce qui permet de connaître l’évolution sur quatre ans. Une étude instructive pour mesurer l’ampleur du défi. Nous avons interviewé à ce sujet François Potin de l’Ademe, lors des Universités du tourisme durable organisées par ATD.
L’Ademe publie une grande étude (82 pages) sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) du tourisme 2022. Résultat : le secteur a émis 97 millions de tonnes de CO2 équivalent en 2022, contre 115 millions de tonnes en 2018. L’empreinte carbone baisse ainsi de 16% par rapport à la première étude. « Ce qui n’est pas négligeable », nous a commenté François Potin, chargé de mission volet empreinte carbone du tourisme à l’Ademe, lors des récentes Universités du tourisme durable à Bordeaux.
Pour illustrer le bilan carbone du tourisme français, rien de tel qu’une comparaison : les 97 millions de tonnes de CO2 équivalent à l’empreinte carbone annuelle de 10 millions de Français (14% de la population française). Ce sont aussi 11% des émissions globales de GES de la France.
Une trajectoire ambitieuse
Comme toujours, un point méthodologique s’impose : l’étude porte sur le tourisme réceptif. Sont pris en compte les personnes qui visitent le territoire français incluant des territoires d’Outre-mer, qu’elles viennent de France ou de l’étranger. Et donc le bilan n’intègre pas les voyages des Français vers des destinations étrangères.
Les 16% de baisse sont « alignés » avec la trajectoire de l’Accord de Paris et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), souligne aussi François Potin.
« Pour être aligné avec l’Accord de Paris, le secteur du tourisme doit réduire ses émissions de GES de 40% à 50% en absolu d’ici 2030, par rapport à 2008 », rappelle également l’étude.
Comment expliquer le recul de 16% des GES ?
Au regard du recul de 16% des GES en quatre ans, nous ne devons toutefois pas jubiler… « La baisse est principalement due à un report d’un tourisme lointain vers un tourisme plus proche. C’est effectivement avant tout une baisse conjoncturelle », commente François Potin. Les clientèles américaine et surtout asiatique restaient toujours largement en retrait en 2022, suite à la pandémie. Et la France avait reçu, en proportion, davantage de visiteurs européens qu’avant la pandémie. « Aujourd’hui, il n’est pas certain que la réduction des gaz à effet de serre soit encore d’actualité. Si nous voulons que la baisse perdure, il faut des changements structurels. »
Les Jeux olympiques et paralympiques, qui ont attiré des clientèles lointaines, risquent d’avoir « un poids non négligeable dans le bilan des émissions de 2024, reconnaît l’Ademe.
Mais François Potin positive. « Ce qui est très intéressant, c’est le maintien des retombées économiques du tourisme réceptif, à 7% du PIB en 2022 comme en 2018, malgré la baisse des GES. La valeur brute de la contribution économique est également demeurée stable, à 180 milliards d’euros. » Sauf que le maintien des recettes provient certainement de la forte inflation qui a existé entre 2018 et 2022…
Aller chercher des touristes de proximité ?
En tout cas, pour l’expert de l’Ademe, « aller chercher des touristes moins loin, c’est le levier principal pour décarboner. On peut difficilement faire autrement. » Sauf qu’il est difficile d’imaginer le gouvernement renoncer à des clientèles fortement contributrices…
Sans surprise, l’étude révèle que les visiteurs non-européens émettent trois fois plus de CO2 par nuitée qu’un visiteur venant d’Europe. La distance et le recours majoritaire à l’avion l’expliquent amplement.
Au global, le transport reste prédominant avec 69% des 97 millions de tonnes, contre 75% en 2018. L’avion, lui, représente 44% des émissions de la mobilité touristique, la voiture 53%.
Quid du tourisme des Français à l’étranger ?
En annexe, l’Ademe s’est intéressée au « tourisme émissif », afin d’évaluer le bilan GES des voyages des Français à l’étranger.
Au total, les Français ont effectué 337 millions de séjours en 2022, à 89% en France. Une activité qui représente 70 millions de tonnes de CO2.
Et les séjours à l’étranger (dit « tourisme émissif ») représentent 11% du total des séjours, mais 38% des émissions des GES. Autrement dit, les séjours en métropole et en outre-mer rassemblent 89% des séjours, et 62% des GES.