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Souffrance au travail : TUI France tente d’apaiser les tensions dans un service

Un rapport confidentiel pointe plusieurs « situations de souffrance de travail » au sein du département Groupes BtoC de TUI France. De son côté, la direction du voyagiste se veut rassurante malgré des tensions internes.

Un rapport confidentiel commandé par le Comité social et économique (CSE) de TUI France, que L’Echo touristique s’est procuré, met en lumière les tensions qui agitent le département Groupes BtoC du voyagiste depuis deux ans. Publié au milieu de l’été, le rapport a été réalisé par Apex-Isast suite au déclenchement d’une procédure d’alerte en application de l’article L2312-59 du Code du Travail face « à des constats de souffrance au travail et des indicateurs RH dégradés ».

Tout commence en 2016, lorsque TUI France rachète le service groupes de Transat. « Réputé performant », il compte plus de 80 personnes et vient gonfler massivement les effectifs du service groupes de TUI (moins de dix salariés). « Ce service intégré avec fonctions support dédiées est décrit comme une entreprise dans l’entreprise », indique le rapport. Un fonctionnement trop gourmand selon la nouvelle stratégie du voyagiste en France.

Des « évolutions majeures » pour les commerciaux

En 2020, un plan social d’ampleur est amorcé. 583 postes sur 904 sont supprimés, et le service Groupes BtoC est plutôt préservé, avec deux départs. Il nécessite toutefois une réorganisation « pour gagner en efficacité », nous indique Christophe Fuss, le directeur général de TUI France. « Le positionnement de TUI France, la dimension de TUI France, le marché de TUI France : tout a évolué. »

La direction présente alors aux salariés concernés la nouvelle stratégie qu’elle a imaginée pour le département. Il y a la volonté d’optimiser le taux d’occupation des Club Marmara et Lookéa sur les ailes de saison, notamment ceux sur lesquels le voyagiste est très engagé, de développer les « tours » (circuits Nouvelles Frontières, séjours, citybreaks) ; d’augmenter les prix à l’aune de la montée en gamme de TUI.

« Le service avait des habitudes bien ancrées, basées notamment sur une fidélisation par le prix. Ce que nous voulons, c’est que nos commerciaux refidélisent désormais par le produit », indique Christophe Fuss. « Ces évolutions sont majeures pour les commerciaux », explique le rapport. « Elles impactent le positionnement marché, le type de produit et le processus de vente avec la diminution des stocks. Elles impactent les pratiques professionnelles ».

« Deux réalités ne se parlent pas »

Surtout, la direction met l’accent sur la prospection de nouveaux clients. Et propose une nouvelle grille de rémunération aux commerciaux. Instauration de paliers « clubs » et « tours », variation de la prime par passager selon la catégorie des clubs et la saison, bonus de 25% pour les nouveaux clients et clients inactifs depuis 3 ans, prime additionnelle individuelle sur le volume de pax atteint… Là encore, TUI France bouleverse les habitudes de son service. « Des règles de plus en plus complexes », selon le rapport, qui précise que le dernier avenant « durcit les conditions d’accès à la part variable de la rémunération et engendre une incertitude financière accrue ».

La direction imagine même une nouvelle sectorisation des commerciaux en France. « Il nous semblait qu’il y avait des injustices dans ce service », justifie Christophe Fuss. De nouvelles zones géographiques sont donc attribuées à chaque salarié, « pour plus d’équité », assure Christophe Fuss. L’idée est aussi de renforcer la présence de TUI France dans les régions où le voyagiste est moins implanté.

Pour les salariés, les bouleversements sont trop nombreux. Et le dialogue insuffisant. « Deux réalités ne se parlent pas », pointe le rapport de l’Isast. La direction affirme avoir consulté les salariés et « pris en compte leurs besoins et leurs attentes », tandis que ces derniers estiment qu’on leur a imposé cette réorganisation, estimant que « leurs connaissances et compétences relatives à leur métier leur paraissent insuffisamment prises en considération ».

Un blocage total

La question des avenants cristallise les tensions désormais bien installées entre les deux camps. Présentées lors d’un séminaire en Grèce, «  un moment très agréable passé entre direction et équipe, […] un moment de rapprochement » selon la direction, les deux possibilités offertes – à savoir signer le nouvel avenant ou conserver l’ancien avec pertes de différents avantages – ont été vécues comme « une sorte de chantage » par les salariés, qui gardent « un mauvais souvenir » de ce séjour en Grèce.

Le blocage est donc total entre les deux partis, et les problèmes RH se multiplient (arrêt maladie prolongé, démissions…). Des altercations ont lieu dans les bureaux du voyagiste, et certains dossiers finissent devant les prud’hommes. Pour la direction, « la réorientation du marché et les nouveaux objectifs à atteindre changent les habitudes », et les salariés « refuseraient de produire ces efforts », tout en ayant du mal à « faire le deuil de la situation passée ».

Les salariés, eux, voient dans cette nouvelle organisation une « augmentation des freins à la vente », une complexification des ventes « hors stock », regrettent des « transformations opérationnelles auxquelles ils ne sont pas associés », et une augmentation des objectifs, au détriment de leur potentielle rémunération variable.

Un plan d’accompagnement étalé sur deux ans

L’Isast préconise plusieurs pistes pour sortir de la crise. Elle recommande notamment la mise en place d’un meilleur accompagnement pour les commerciaux (CRM répondant à leurs besoins, plus grand appui marketing, travail sur les stocks…), davantage de formations autour de la prospection, une simplification des process ou encore une clarification sur les conditions de rémunération.

Sur de nombreux points, la direction estime avoir répondu aux attentes des salariés. « Cette réorganisation a réellement été accompagnée. Ce rapport a été réalisé au printemps, mais nous avons mis en place un plan d’accompagnement depuis deux ans », explique Christophe Fuss. « Tout a été fait de façon très transparente, avec des rendez-vous et des présentations régulières au CSE. »

Un séminaire très attendu en novembre

Renouvellement de la flotte automobile, nouveau CRM, formation par un prestataire extérieur, meilleur accès au stock ou départs de province, remplacement des commerciaux manquants : TUI France estime « avoir beaucoup investi » dans la transformation du service Groupes BtoC. Même si aucun ajustement n’a été apporté sur les nouveaux avenants, qui s’impose désormais à tous les commerciaux du département.

« Tout commence à rentrer dans l’ordre et on aperçoit la lumière au bout du tunnel », estime Christophe Fuss. « Le service est désormais aligné avec la stratégie mise en place par l’entreprise, qui devait répondre à la nouvelle réalité de son marché. Nous sommes encore attentifs, mais nous sommes en train de tourner la page. D’ailleurs, la commercialisation pour l’été 2025 s’annonce très bien, et j’y vois un signal très positif ». Le prochain séminaire dédiée à cette force de vente, en novembre, est déjà très attendu des deux côtés.

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