La distribution à l’épreuve du nouveau groupe
La prise de contrôle de la compagnie néerlandaise par Air France est la première manifestation de la consolidation du ciel européen. Les agences de voyages observent avec attention les premiers pas de ce nouveau géant du transport aérien mondial.
Les agences de voyages savent désormais à quoi s’en tenir. L’annonce du rapprochement entre Air France et KLM les place face à la première réelle manifestation de la consolidation du transport aérien européen. Les bouleversements vont être nombreux, avec sans doute une réorganisation de l’offre des deux compagnies, mais aussi l’apparition de menaces sur la rémunération, découlant de ce nouveau rapport de forces.
C’est au terme de vingt-et-un mois de négociations que les deux compagnies ont donné naissance à un nouveau géant du ciel. L’accord conclu le 30 septembre prévoit la création d’une nouvelle société holding nommée Air France-KLM, qui chapeautera les deux anciennes compagnies. Avec un chiffre d’affaires cumulé de 19,2 milliards d’euros pour l’exercice 2002-2003, le nouveau groupe se place devant toutes les autres compagnies aériennes mondiales.
Une occasion pour améliorer et diversifier les offres
Nous souhaitons capitaliser sur la complémentarité des deux transporteurs, explique Jean-Cyril Spinetta, PDG d’Air France. C’est pour cela que nous créons un groupe, mais nous gardons les marques fortes des deux compagnies, avec leurs spécificités culturelles. Le rapprochement prend la forme d’une offre publique d’échange d’Air France sur KLM, qui permet à la compagnie française de prendre le contrôle du transporteur néerlandais, valorisant ce dernier à 784 ME. Le nouvel ensemble, fort d’une flotte de 540 avions et d’un réseau de 226 destinations dans le monde, sera détenu à 81 % par des intérêts français et à 19 % par les actionnaires de KLM. Ce tour de passe-passe boursier signifie aussi la privatisation de fait d’Air France, la part de l’Etat dans la compagnie française passant de 54 à 44 %. Comme cela avait déjà été évoqué, Alitalia reste pour l’instant exclue. Alitalia a annoncé qu’elle n’était pas prête pour monter dans le train dès la première étape, a rappelé Jean-Cyril Spinetta. Mais l’option reste ouverte pour une entrée dans un second temps. Côté calendrier, l’accord devrait être notifié à la Commission européenne et aux autorités américaines de la concurrence en octobre.
Le rapprochement franco-néerlandais va bien évidemment doper la place de SkyTeam dans le monde. L’apport de KLM donnera à l’alliance initiée par Air France et Delta une part de marché mondiale de 21 %, ce qui lui permettra de faire quasiment jeu égal avec Star Alliance, qui contrôlerait 22 % du marché. Il devrait aussi permettre aux deux compagnies de diversifier davantage leur offre. Si on rapproche les deux réseaux long-courriers, on observe en effet qu’Air France et KLM ne desservent que 31 destinations en commun. A l’inverse, Air France propose 43 destinations non desservies par KLM, cette dernière volant vers 27 villes indisponibles depuis Paris. En Europe, la compagnie néerlandaise est forte dans le Nord et dans l’Est, alors qu’Air France est plus présente dans le Sud. Le rapprochement devrait donc garantir une variété de l’of-fre pour les clients, mais aussi pour les agents de voyages. A condition toutefois qu’il n’y ait pas de rationalisation massive des deux réseaux. Par exemple, un passager partant de Marseille pour Pékin pourra à l’avenir indifféremment passer par Paris ou Amsterdam, à l’aller ou au retour. La stratégie de double hub reste en effet très importante pour le nouveau groupe aérien, et répond aussi aux inquiétudes du gouvernement néerlandais quant à l’avenir de l’aéroport d’Amsterdam Schipol. Pour le rassurer, des garanties lui ont été données sur la protection des identités nationales des deux compagnies, les bases nationales et les droits de trafic respectifs. Et ce pour une période de huit ans. L’idée de faire d’Amsterdam un hub secondaire est une absurdité stratégique. Il n’est absolument pas question de déshabiller Amsterdam pour habiller Roissy, martèle Jean-Cyril Spinetta, qui prendra la tête de la nouvelle holding Air France-KLM.
Le PDG d’Air France s’est déjà employé à rassurer les syndicats : Notre but est de conquérir de nouvelles parts de marché dans une dynamique de croissance rentable, a-t-il assuré. Il n’y a aucun plan de licenciement lié à cet accord chez Air France et il n’y aura pas de suppressions d’emplois autres que celles déjà annoncées chez KLM.
Côté synergies, les prévisions sont ambitieuses. Le rapprochement des deux entreprises devrait permettre de réaliser 385 à 495 ME d’économies par an au bout de cinq ans, sans compter les béné-fices supplémentaires à retirer du plan de restructuration mis en place par KLM et qui doit lui permettre d’économiser 650 ME d’ici 2006. Ces fortes synergies devraient pouvoir rapidement être répercutées sur les tarifs, explique Bruno Matheu, DGA, responsable du marketing et du réseau d’Air France. Nous aurons aussi la possibilité de mettre en place des incentives communs pour stimuler les ventes en agences.
Le nouveau groupe cherchera à faire des économies
A terme, le mariage devrait aussi permettre de négocier des contrats firmes au niveau européen, bénéficiant ainsi aux grands réseaux de voyages d’affaires. Reste les menaces qui planent sur l’évolution des taux de commission aux agences. Comme je l’ai déjà dit lors de Top Resa, il n’y aura pas de changement de rémunération pour les agences en 2004 et je respecterai totalement l’accord passé avec le Snav, assure Christian Boireau, directeur général d’Air France chargé du commercial France. Pour la suite, la situation devrait évoluer. Le mouvement initié par British Airways et Iberia, qui ont supprimé leurs commissions aux agences sur leur marché, laissent largement augurer des économies que le nouveau groupe cherchera à faire, en particulier dans le domaine de la distribution.
%%HORSTEXTE:1%%