La courseaux alliances s’accélère
La crise qui secoue le transport aérien mondial favorise les regroupements. De nombreuses compagnies frappent à la porte de SkyTeam, l’alliance initiée par Air France et Delta et dopée par l’arrivée de KLM. La bataille s’annonce rude avec Star Alliance et Oneworld…
Le ciel européen est en ébullition. L’annonce, la semaine dernière, du rapprochement entre Air France et KLM, a créé une dynamique inédite avec, en ligne de mire, une réorganisation des alliances, tant au niveau européen que mondial autour de trois pôles : SkyTeam (Air France/Delta), Oneworld (British Airways/American Airlines) et Star Alliance (Lufthansa/United). Il y a bien sûr un fossé entre les déclarations d’intention et la réalité du terrain, mais chaque compagnie fourbit aujourd’hui ses armes, pour ne pas rater le train.
Le mouvement le plus rapide est venu d’Alitalia, déjà membre de SkyTeam. La compagnie italienne, dont l’intervention dans le dossier Air France/KLM semble en avoir retardé la conclusion, n’a pas caché son intention de mettre en place un ménage à trois avec les deux premiers transporteurs et ce, au plus vite. En marge de l’annonce Air France/KLM, l’administrateur délégué d’Alitalia, Francesco Mengozzi, a finalement annoncé qu’il ne monterait pas dans le premier train de l’alliance.
Alitalia pourrait entrer dans la holding avant avril 2004
Il a néanmoins tenu à réaffirmer la solidité des liens qui l’unissent à Air France. Les deux compagnies ont instauré, il y a maintenant deux ans, un partage de codes total sur les lignes France-Italie et échangé une participation de 2 % dans leur capital. La semaine dernière, Alitalia a renforcé cette collaboration par le biais d’accords bilatéraux avec la compagnie française et KLM. L’opération donne à l’italienne la possibilité d’entamer des discussions immédiates pour intégrer la nouvelle holding Air France/KLM, dès qu’elle aura achevé sa privatisation. Pour l’instant, la part de l’Etat italien dans le capital de la compagnie est de 62,4 %. A terme, cette participation pourrait descendre à 20 ou 30 %. Conscient qu’il faut aller vite, Francesco Mengozzi vient d’annoncer qu’Alitalia pourrait entrer dans la holding avant avril 2004.
D’autres transporteurs viennent officiellement de se porter candidats à une entrée dans SkyTeam, cette fois pour des relations d’ordre commercial. C’est ainsi le cas de la deuxième compagnie espagnole Air Europa, qui vole déjà en partage de codes avec Air France et KLM, et de Tap Air Portugal qui cherche de nouveaux partenaires depuis la dé-sintégration de l’alliance Qualiflyer, réunie autour de la défunte Swissair. Avant d’intégrer ces derniers candidats, SkyTeam devra d’abord examiner le cas de Northwest et Continental, partenaires de KLM, qui pourraient de ce fait adhérer mécaniquement à l’alliance, la plaçant dans une position extrêmement confortable sur les liaisons transatlantiques très lucratives. Le cas des multiples partenaires de KLM (Malaysia Airlines, Malev, Cyprus Airways, China Southern, etc.) reste aussi à régler. Au lieu de devenir membres immédiatement, ils pourraient rejoindre un deuxième cercle de compagnies partenaires qui reste à mettre en place, avec notamment RAM, Tunisair et Air Mauritius.
Face à la dynamique favorable à SkyTeam, les deux autres alliances mondiales tentent de reprendre la main. Isolée sur son île, British Airways vient d’accueillir Swiss dans Oneworld. La compagnie anglaise n’exclut pas de mettre en place avec elle une alliance stratégique intégrale, en commençant par la mise en place d’un partage de codes entre Londres et Zurich et une mise en commun des programmes de fidélisation. A terme, un rapprochement capitalistique n’est pas à exclure. Très opportuniste, elle a aussi appelé de ses voeux une fusion avec sa partenaire espagnole Iberia et son réseau complémentaire vers l’Amérique du Sud.
J’aimerais que nous finissions dans les bras l’une de l’autre
L’Espagne est un marché stratégique pour le Royaume-Uni. Je crois que nous disposons d’une bonne opportunité, c’est pourquoi j’aimerais que nous finissions un jour dans les bras l’une de l’autre, affirme Rod Eddington, directeur général de British Airways. BA a aussi rappelé aux autorités de la concurrence la nécessité d’examiner très minutieusement les conséquences de la fusion Air France/KLM, en particulier sur les lignes transatlantiques, son principal marché. En fonction des réponses données par la Commission européenne et le département d’Etat américain, le transporteur britannique envisage de relancer son projet de rapprochement capitalistique avec American Airlines. Une déclaration qui reste d’intention pour le moment. En effet, la validité de ce partenariat reste conditionnée au renoncement par British Airways de créneaux à l’aéroport de Londres Heathrow et par l’ouverture du ciel à la concurrence entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. A moins que le duo Air France/KLM n’incite les autorités à modifier ces exigences.
Reste le cas de Star Alliance, dominée par United et Lufthansa et déjà largement pourvue (14 compagnies) à tel point qu’il est difficile d’en citer tous les membres. Après l’échec de ses négociations de rachat avec Swiss, Lufthansa apparaît forcément isolée. Si nous avions le choix entre investir notre argent dans de nouveaux avions et de nouveaux produits ou acheter d’autres compagnies, nous choisirions la première proposition, déclare, amer, Wolfgang Mayrhuber, le PDG de Lufthansa. Orientés par les choix de la compagnie allemande, les développements européens de Star Alliance sont désormais dirigés vers l’Est. Le transporteur allemand lorgne toujours du côté de la russe Aeroflot, qui vient pourtant de signer un partage de codes avec Air France entre Paris et Moscou, et va surtout accueillir, d’ici à la fin de l’année, la Polonaise LOT dans Star Alliance. Aux Etats-Unis, enfin, le rapprochement commercial entre United Airlines et US Airways s’est traduite par l’entrée de cette dernière dans l’alliance.
Des géants du ciel en pleine contruction
Les grandes manoeuvres que l’on évoquait depuis cinq ans dans le ciel européen et mondial se sont donc bel et bien accélérées. Mais alors qu’elles étaient initialement surtout le fait d’alliances commerciales, elles prennent aujourd’hui un virage capitalistique. De quoi aboutir à la constitution de géants du ciel avec, à la clé, de nouvelles relations commerciales avec la distribution. Il y a quelques jours, le PDG d’Air France, Jean-Cyril Spinetta, n’évoquait-il pas des gains à obtenir dans les relations avec les agences de voyages, à la suite du rapprochement avec KLM ?
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