Devoir d’information : attention, l’agence de voyages peut être condamnée
Jusqu’où le devoir d’information peut-il incomber à l’agence de voyages ? Une récente décision de justice condamne l’agence de voyages, en vertu de la directive européenne sur les voyages à forfait et du code civil.
C’est un cas d’école dans lequel nombre d’agences de voyages, en ligne ou offline, se reconnaîtront.
Petit rappel des faits. Marco Vasco a proposé à M. et Mme [O] un projet sur mesure à Hawaï, au prix de 19 300 euros, avec un départ le 25 janvier 2019. Le couple a accepté et payé le jour-même.
Une question de visa américain
Or leur demande d’autorisation de voyage aux Etats-Unis (Esta) a été refusée. Motif : les voyageurs devaient obtenir un visa en raison de la mention, sur leur passeport, d’un voyage en Iran. N’ayant pu réaliser leur voyage, M. et Mme [O] ont donc assigné Marco Vasco en indemnisation de leur préjudice. La plateforme de voyages su mesure s’est ensuite pourvue en cassation. Mais la cour de cassation a rejeté sa demande.
Selon le contrat signé, explique Marco Vasco, c’était au client de vérifier ses documents administratifs et sanitaires. D’ailleurs, il était ainsi bien indiqué que l’agence de voyages « ne pourrait pas être tenue pour responsable en cas d’inobservation des règles de police du pays », plaidait-elle. Il était même précisé qu’aucun remboursement ou dédommagement ne serait dû. Et que « l’obtention des visas n’est pas incluse dans les prestations, sauf sur demande écrite du client ».
L’agent de voyages « a commis une faute » engageant sa responsabilité
Cependant, ont rappelé les magistrats, selon la directive européenne de 2015 relative aux voyages à forfait, l’organisateur ou le vendeur d’un voyage doit communiquer au voyageur, avant la conclusion du contrat, « des informations d’ordre général concernant les conditions applicables en matière de passeports et de visas, y compris la durée approximative d’obtention des visas ».
En outre, ajoutent les magistrats, le code civil français « impose à celui qui connaît une information, dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre, de l’en informer si ce dernier l’ignore légitimement et fait confiance ».
Dès lors, « en n’alertant pas ses clients avant la réservation d’un voyage aux Etats-Unis » sur les risques de « ne pas obtenir les documents administratifs nécessaires, la cour de cassation retient que l’agence de voyages « a commis une faute engageant sa responsabilité ».
Par décision du 25 septembre 2024, elle rejette donc sa demande. Et la condamne à payer 3 000 euros à ses clients.
Comptoir des Voyages a gagné
Autre affaire, autre lecture. M. J et Mme E avaient réservé un voyage en Inde, pour la somme de 6 847 euros, auprès de Comptoir des Voyages. Or le 23 mars 2019, ils se sont vu refuser l’accès à l’embarquement.
Motif : l’absence de visa, alors que les Français qui veulent séjourner en Inde doivent avoir un visa, comme le rappelle le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Considérant que Comptoir des Voyages a manqué à son obligation de les informer de l’obligation de visa, ils ont tenté d’obtenir le remboursement de leur voyage, ce qu’a refusé l’agence de voyages. Ensuite, ils l’assignent devant le tribunal judiciaire de Lille en invoquant l’article L. 211-8 du code du tourisme. Selon cet article, « l’organisateur ou le détaillant informe le voyageur, au moyen d’un formulaire fixé par voie réglementaire, préalablement à la conclusion du contrat, des caractéristiques principales des prestations proposées relatives au transport et au séjour (…), ainsi que des conditions de franchissement des frontières ».
Le couple considère qu’il n’a pas été averti « de façon claire, directe et évidente, qu’il y avait une check-list à vérifier dans le carnet de voyage et qu’il était nécessaire d’obtenir un visa ».
Un espace personnalisé capital
De son côté, l’agence affirme que « l’absence de visas au moment de l’embarquement est exclusivement imputable à M. J et Mme E qui, par négligence, n’ont pas regardé les documents mis à leur disposition par l’agent de voyages, et ont oublié d’effectuer les démarches qui leur incombaient ».
Le tribunal judiciaire de Lille (Nord), que les deux clients saisissent, les déboute, le 17 juin 2021. Il les condamne à payer 2 000 euros (de frais d’avocat) à l’agence.
La cour d’appel de Douai (Nord), que les voyageurs saisissent ensuite, confirme ce jugement, le 18 janvier 2024. Pour elle, l’agence de voyages a, dès le 3 décembre 2018, adressé à Mme E un courriel annonçant qu’elle pourrait trouver dans un « espace personnalisé », qui avait été créé pour elle, le devis et le descriptif du voyage proposé. Cet espace personnalisé contenait un lien intitulé « Infos pays » conduisant aux informations sur les formalités administratives, en particulier la nécessité d’un visa.
A lire aussi :
- L’Umih au tribunal de Paris face à Airbnb, accusé de « concurrence déloyale »
- Abus de position dominante : Booking.com condamnée à une amende de 413 millions d’euros
- Valise perdue ou abîmée : comment faire face au flou juridique ?
- Le Conseil d’Etat annule le maintien de la niche fiscale Airbnb
- Thoiry : la joggeuse attaquée par des loups porte plainte