Albanie : un petit pays aux grandes ambitions dans le tourisme
Faut-il s’empresser de visiter l’Albanie avant qu’elle ne soit trop populaire ? En tout cas, la destination aspire à devenir une championne du tourisme.
Difficile d’imaginer que l’Albanie soit restée bunkérisée jusqu’en 1990, aux termes d’une dictature de 40 ans (1945-1985). « C’était comparable à la Corée du Nord », explique l’ambassadrice de France à Tirana Catherine Suard. La destination s’éveille vite, très vite au tourisme, depuis une dizaine d’années. Le tourisme représente déjà 17% de son PIB, a indiqué à L’Echo touristique Mirela Kumbaro, la ministre albanaise du Tourisme et de l’Environnement. Et le potentiel reste immense, en dépit de quelques obstacles.
C’est dans un français parfait que Mirela Kumbaro s’est adressée aux professionnels participant à la convention des Entreprises du Voyage Centre Est, le 12 octobre à Tirana. Le pays balkan, grand comme la Bretagne et peuplé de 2,5 millions d’habitants, a accueilli 10 millions de visiteurs internationaux en 2024. Un chiffre qui devrait grimper à au moins 12 millions cette année, et 20 millions en 2030.
Objectif : +138% de nuitées en 2030
Faire de l’Albanie une « championne du tourisme », c’est le mantra de la ministre. En témoigne la stratégie 2030 qu’elle a dévoilée, toujours le 12 octobre, à la presse locale.
« Nous visons une augmentation de 138% des nuitées en 2030 et une multiplication par 4 des revenus de l’État issus du secteur », a-t-elle déclaré. Ces recettes ont atteint 4,2 milliards d ‘euros en 2023.
Et Mirela Kumbaro de promettre un tourisme de qualité, non de masse. De grands resorts balnéaires ont pourtant déjà poussé en rangs serrés sur une partie des côtes, notamment plébiscitées par la diaspora albanaise. Et les chantiers foisonnent, alors qu’un deuxième aéroport devrait sortir de terre en 2025, à Vlora (sud-ouest).
Un service qui doit monter en gamme
L’Albanie, pays hôte de l’immense salon ITB Berlin 2025, souhaite clairement surfer sur son image de destination émergente. Un peu comme une nouvelle Croatie, la méditerranée en prime.
La destination compte également monter en gamme, d’où l’ouverture récente de 17 hôtels 5 étoiles. Reste aussi à améliorer le service, de l’avis de plusieurs professionnels français du voyage.
Berenger Thibaut, fondateur de Vacances Albanie, résume l’une des problématiques du pays. « L’un des soucis, c’est l’exode, relève-t-il. Il y a plus d’Albanais qui vivent à l’étranger que dans leur propre pays. Les serveurs avec un peu d’expérience sont tentés de partir travailler à l’étranger pour mieux gagner sa vie. »
Les TO français prennent leurs marques
Réputée pour ses plages aux eaux parfois turquoise, ses paysages, son histoire mouvementée et son hospitalité, le pays des aigles fait son nid chez les voyagistes français.
Travel Europe s’est positionné depuis plus de cinq ans, et possède un bureau dans la capitale Tirana. Pour ses circuits, le voyagiste affrète des vols de mi-avril à fin juin, et de fin août à mi octobre. Résultat : 2500 pax en 2024, sur l’ensemble de la saison.
Le spécialiste Terres Oubliées, lui, s’apprête à lancer un trek dans les montagnes, tandis que l’agence réceptive Terres d’Albanie démarre (lire ci-après).
Absence d’office de tourisme
« Ce qui nous manque, c’est le soutien d’un office du tourisme, estime Chrystelle Hamel, directrice commerciale de Travel Europe. Nos circuits ont plus de visibilité au travers de nos partenaires. Mais rares sont les clients qui demandent en individuel à partir en Albanie. Notre premier travail, c’est de faire rêver le vendeur pour qu’il propose l’Albanie. »
Un office de tourisme aurait la vertu de casser certains préjugés, qui ont la vie dure. Non, le pays situé à l’est des Pouilles italiennes ne présente pas de problème de sécurité, comme le rappelle le site du Quai d’Orsay. « La petite délinquance demeure moins élevée que dans la plupart des grandes villes occidentales », indique-t-il.
Le pays, lui, poursuit son rattrapage post-dictature, à grande vitesse. Avec l’envie de se rapprocher de de l’Europe des Vingt-Sept. « Nous soutenons l’intégration de l’Albanie dans l’Union européenne le plus tôt possible », insiste Catherine Suard.
Une nouvelle agence réceptive, Terres d’Albanie
Après 15 ans en tant que responsable grands comptes, Klara Ravier a créé son propre réceptif, en France. Ainsi est né en 2024 Terres d’Albanie, membre des Entreprises du Voyage Centre Est.
« C’est un projet de vie qui me permet de mettre à profit ma double culture, souligne la Franco-albanaise. Pour moi, les planètes sont alignées. Depuis peu, les compagnies Transavia, EasyJet et Wizzair proposent des vols directs depuis Lyon, Paris, Nantes, Marseille et Genève. Les billets d’avion sont moins chers qu’autrefois. » Terres d’Albanie souhaite promouvoir des circuits authentiques mêlant nature, culture et histoire.
« J’espère que le gouvernement ne va pas laisser prospérer le tourisme de masse. Il peut le freiner en refusant d’accorder des permis de construire. Pour ma part, j’oriente mes clients vers d’autres destinations que Durres, comme l’Est avec Korçë et Pogradec, à deux heures de Tirana. Le nord, nature, sauvage et authentique, il est aussi possible de séjourner dans des guest-houses et chez l’habitant. »
54 pros français du voyage à Tirana
Du 11 au 14 octobre, la convention des EdV Centre Est, dirigées par Yannick Faucon, a réuni 54 professionnels français du voyage à Tirana. La ministre, le maire de Tirana et l’ambassadrice de France ont chaleureusement reçu le groupe pour présenter le pays et ses atouts. La convention avait pour fil rouge le thème « Entreprendre », développé en plénière par Daniel Borja (Cabinet Aragor) et l’ancien footballeur professionnel Eric Carrière. Une plénière dans un cadre atypique : la salle d’opéra très austère d’un ancien bunker à Tirana, Bunk’art. Le syndicat régional donne son prochain rendez-vous aux adhérents le 27 mars 2025 pour la 2e édition de Confluences du tourisme.
