Michel-Yves Labbé, l’entrepreneur heureux, nous a quittés

Triste nouvelle. Frappé par une perfide crise cardiaque, Michel-Yves Labbé nous a quittés jeudi. Né en 1949, il fut tout au long de sa belle carrière une figure du monde du tourisme, ce qui lui vaudra de recevoir en 2010 les insignes de Chevalier de l’ordre national du mérite. Un sage qui n’hésitait pas à partager ses connaissances avec les jeunes générations.

Une figure du tour-operating

Il ne passait pas inaperçu avec son physique imposant que l’on croyait tout droit sorti d’un film noir américain. Amoureux des belles lettres et des écrivains voyageurs (Malraux, Kessel, Kipling…), il passa justement sa jeunesse au Cambodge et au Vietnam aux côté de son père expatrié avant de revenir en France où il effectua plusieurs grands périples, jusqu’au Cap Nord en Solex, jusqu’à Istanbul en auto-stop, la traversée de l’URSS en 1972…

Ce goût de l’ailleurs le pousse à devenir agent de voyages sur la Riviera et à participer à la création du TO Plein Vent en 1976. Avec Carole Pellicer comme assistante ! Quittant cette première aventure professionnelle dans la production en 1985, Michel-Yves Labbé monte à Paris où il intègre Cruise Air-Airtours comme responsable du développement. Il y promeut notamment Kappa Club, marque qu’il retrouvera bien des années plus tard chez NG Travel. La fusion avec Chorus suivra, des TO que les moins de 50 voire 60 ans ne peuvent pas connaître… Avant leur rachat par Jet tours dont il deviendra un temps directeur de la production.

Directours, le succès de sa vie

Mais son grand fait d’armes fut en 1994 la création de Directours, TO spécialisé sur la vente de voyages à la carte en BtoC. En 2006, il rachète à Lastminute.com la marque BtoB Boomerang Voyages installée à Nice, ville qu’il connaissait bien pour y avoir été barman dans sa prime jeunesse. Pour autant, deux ans plus tard, il décide de revendre Directours et Boomerang au groupe NG Travel d’Olivier Kervella et Karim Massoud. Mais il conserve un poste de directeur de la communication et de la production de ces deux voyagistes au sein du groupe.

Jamais en panne de bonnes idées, il lance en 2012 Partir Demain, un site spécialisé dans les ventes flash de dernière minute, complété deux ans plus tard d’une application qui lui vaudra d’obtenir un prix spécial du Jury des Travel d’Or. « Je lui ai remis un Travel d’or Jeune pousse, ce qui l’amusait beaucoup », se souvient Frédéric Vanhoutte, fondateur de l’événement.

Là aussi, Michel-Yves choisira de céder sa start-up, cette fois ci à Veepee (appelé alors Vente Privée) au bouillonnant Jacques-Antoine Granjon, en 2018. Même s’il aime passer du temps dans sa maison du Var face à Porquerolles, il trouve alors encore l’envie de fonder Luxforles dédiée à la vente de chambres d’hôtel 4* et 5* dégriffées.

Le premier site web du tourisme en France

Dans ses aventures entrepreneuriales, Michel-Yves Labbé fut donc un précurseur. Il imagine le premier club français all inclusive en République dominicaine lorsqu’il officie chez Cruisair. En 1994, avec son bébé Directours, il édite des brochures sans prix, ceux-ci étant consultables sur le Minitel avec l’avantage pour le TO de les changer en temps réel en fonction de la demande et des fluctuations des changes.

Quelques mois plus tard, en 1995, il lance le 1er site web du tourisme après avoir découvert les premiers pas d’Internet aux Etats-Unis lors d’un congrès à Kansas City. Ecolo dans l’âme, il abandonnera dès 2000 les brochures au profit d’une publication intégrale de sa production sur le web.

Il fut également élu à trois reprises président du Visit USA Committee France, en 2001, 2004 et 2012. L’occasion pour lui de promouvoir sa destination de cœur qu’il visitait notamment chaque année à l’occasion du Pow Wow, le salon américain du tourisme. « Je lui dois beaucoup. C’était une grande figure du tourisme et un passionné des Etats-Unis. Il m’a encouragé à me présenter pour prendre sa suite à la tête de l’association », nous a confié Geoffrey Duval.

Michel-Yves Labbé, un pionnier

Enfin, toujours le -bon- mot pour rire, Michel-Yves Labbé nous a fait partager son humour mordant au rythme de tribunes et de ses participations dans les années 2010 aux débats radiophoniques de la radio des voyages de Voyageurs du Monde de son ami Jean-François Rial où il côtoyait d’autres « stars » du tourisme comme Jacques Maillot, le fondateur de Nouvelles Frontières, et Jean-Pierre Nadir, le fondateur d’Easyvoyage et de Fairmoove. Je vous recommande son texte de conseils à son successeur après ses trois années passées au Snav comme administrateur de la famille des producteurs, corrosif à souhait !

Michel-Yves Labbé faisait partie des 90 pionniers et décideurs que L’Echo touristique avait récemment réunis, pour une « photo du siècle » à l’occasion des 90 ans de notre magazine. La rédaction de L’Echo touristique adresse ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

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Olivier Kervella (NG Travel) : « Notre profession vient de perdre un de ses piliers »

« Notre profession vient de perdre un de ses piliers, un des pionniers du voyages online (il était tellement fier de nous raconter comment il avait créé le 1er site internet de vente de voyage en ligne en France…), un des plus grands experts en matière de destinations et d’hôtellerie (uniquement de luxe par contre) et sans doute sa plus belle plume. Il va laisser un vide immense. Il va laisser également un gros vide dans nos cœurs, car il était extrêmement attachant et faisait souvent figure de mentor, notamment pour toutes celles et ceux qui ont eu la chance de le rejoindre au tout début de l’aventure Directours. J’ai eu moi aussi cette chance unique de travailler à ses côtés pendant de longues années et j’ai découvert un homme doté d’une curiosité inouïe, d’une culture sans limites, jamais avare d’idées ou de conseils à prodiguer. Il nous avait tellement appris, tellement éclairé, tellement fait rire aussi… Il va énormément nous manquer. » 

Jean-Pierre Nadir (Fairmoove) : « Avec le départ de Michel-Yves, c’est une époque qui se meurt « 

« Avec le départ de Michel-Yves, ce n’est pas seulement un homme qui nous quitte, c’est une époque qui se meurt ! Un temps où le raffinement et l’art du voyage n’était pas incompatibles avec les nécessités du digital et du diktat de l’Ebitda. Un temps où l’on connaissait les produits et les clients… Un temps où l’on pouvait être dirigeant innovant et helléniste enjoué, où l’on pouvait être un patron exigeant et un contemplatif communicatif. Un temps où l’on prenait le temps… MYL était bien de son époque, il a incarné l’époque ! D’une érudition débonnaire et d’une plume acérée et drolatique, il nous a fait partager nombre de ses combats et de ses émerveillements. C’était un compagnon de route avec qui j’en ai fait beaucoup de route et avec qui j’ai adoré me perdre en déambulant sur les chemins du monde et de la vie ! Michel-Yves avait fait son paradis en ce monde et cela personne ne pourra lui reprendre pas même la mort. »

Patrice Caradec (Alpitour) : « Mon autre grand frère »

« Je n’ai pas ta plume Michel-Yves… Mais j’ai besoin de partager , de faire revivre en quelques lignes notre complicité. Nous nous sommes rencontrés en septembre 90, à Deauville, dès ce premier diner d’équipe (Chorus Tours) est née une complicité qui s’est rapidement transformée en amitié, et qui ne s’est jamais « essoufflée » en presque 34 ans. Mon frère aîné m’avait initié aux sports, toi mon autre « grand frère » tu m’as donné le goût de la lecture, de la culture générale, des arts, du bon, du beau. Si je suis accro au tourisme urbain, c’est grâce à toi et aux innombrables voyages que tu nous as organisés le temps de longs week-ends de découvertes. Tu étais le guide de notre bande d’amis : Jean-François, Jean Pierre, Christian ; pas le droit de parler boulot ! Maître MYL y veillait particulièrement… Notre club « Livres, séries, spectacles, arts.. » était l’occasion de retrouvailles à table de notre bande, et une fois encore tu excellais, non seulement par ton érudition mais aussi par ton écoute des autres, qualité trop rare. Nos tête-à-tête réguliers lors de dîners de « Parisien isolé de la semaine » m’ont fait mûrir, m’ont souvent apaisé, tu m’as même un jour félicité pour mes spaghettis Cacio et Pepe, plat découvert ensemble à Rome et que tu m’avais poussé à cuisiner (sans doute lassé de mes pestos…). Quand je pense que j’ai raté la cuisson des derniers spaghettis … »Tu as déjà fait beaucoup mieux!… il faut qu’on le refasse plus souvent… ». 
Promis je les referai, je m’appliquerai pour « t’entendre » apprécier la persévérance de l’élève.
Merci MYL pour toutes ces années d’amitiés et de partage.
Repose en Paix.
Ton ami Patrice qui t’embrasse et qui t’aime. »

Jean-François Rial (Voyageurs du Monde) : « On perd une bibliothèque, un homme rare »

« Michel-Yves était tout d’abord un homme très érudit. Passer un moment avec lui et vous appreniez toujours quelque chose. Récemment il s’était passionné pour toutes les évolutions technologiques qui permettraient d’accélérer la transition écologique sans décroissance. Bien sûr, il était aussi un puits de science du voyage. Il connaissait tous les hôtels, et je pense que dans la profession il est celui qui avait le plus voyagé avec les plus grandes connaissances. Il était mon ami et j’ai un souvenir ému de tous mes voyages avec lui, particulièrement en Allemagne qu’il m’a si bien fait découvrir. On l’aimait tant. Il a été un pilier de Radio Voyageurs, et il nous a aidés par sa finesse sur notre développement international. On perd une bibliothèque, un homme rare ». 

Laurent Magnin : « Labbé de nos voyages »

« Michel-Yves, au milieu de notre métier tu fus pilier, Labbé de notre église du voyages oserais-je dire, une empathie de la taille de ta carrure, une convivialité à la hauteur de ton coté mi-amusé permanent, une lucidité infernale sur notre métier mais toujours empreinte de bienveillance, un regard de cocker, aussi, qui donnait toujours l’envie d’aller vers toi, le meilleur hommage que je puisse te rendre consiste à ne pas mettre de point dans mon message, ni sur sa fin parce que tu ne mérites pas de point final juste une lettre, majuscule comme notre amitié pour toi, et des virgules »